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Nº 2913 du vendredi 6 septembre 2013

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Dialogue et gouvernement
. On tourne en rond malgré les bonnes intentions

Dialogue et gouvernement, voilà la formule magique qu’ont proposée tour à tour Michel Sleiman, Nabih Berry et Walid Joumblatt pour sortir le Liban de l’ornière du conflit syrien. Cette énième prise de conscience suffira-t-elle à dépasser les antagonismes?


Comment espérer que le salut puisse venir de l’intérieur? La guerre larvée, qui oppose le Hezbollah à la nébuleuse islamiste sur le terrain et à la coalition du 14 mars sur le plan politique, a réduit à une peau de chagrin la possibilité d’un armistice. Les alliés du Parti de Dieu ont pris fait et cause pour le régime de Bachar el-Assad; les sonneurs d’alarme à Rabié et à Bkerké sont les variables chrétiennes d’une équation beaucoup plus grande qu’eux et les «centristes», qui détiennent les clés du pouvoir institutionnel du pays et multiplient les gages de bonne volonté. Au fond, l’écho un peu plus important donné aux appels conjugués de Berry, Joumblatt et Sleiman n’est que le résultat des hésitations de Washington sur le dossier syrien. Une intervention militaire américaine aurait définitivement anéanti tout espoir d’un compromis local, mais il ne faut pas se leurrer, les lignes de fracture sont toujours d’actualité. La reculade de Barack Obama ne fait qu’offrir une fenêtre de tir, grande comme un trou de souris, aux chantres du consensus. Mais que vaudra-t-elle lorsqu’elle se refermera?
C’est conscient de cela que Nabih Berry a pris la parole en fin de semaine dernière. Samedi, le leader du mouvement Amal a lancé un énième appel au dialogue, à l’occasion de la commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr, reportée il y a quelques jours pour des raisons de sécurité. Un appel qu’il veut salvateur. «Je propose au président de la République, Michel Sleiman, une feuille de route qui consiste à entamer le plus tôt possible un dialogue national à huis clos, pendant cinq jours consécutifs au cours desquels les différents partis discuteront du nouveau gouvernement, de la loi électorale et de la stratégie de défense nationale». Depuis plusieurs semaines, les maîtres des institutions publiques du pays proposent inlassablement la même feuille de route, remède miracle contre l’immobilisme ambiant. D’abord, un dialogue national pour renouer les contacts entre le Hezbollah et le Courant du futur en tête. Ensuite, la formation d’un gouvernement d’union, bouclier politique contre les dommages collatéraux du conflit syrien.
Après érection du cordon sanitaire, examen des véritables sujets d’achoppement entre les partis politiques du pays. Avec, en tête de liste, la stratégie de défense nationale. Sur le sujet, le président du Parlement change de costume pour redevenir le premier partenaire du Hezbollah. «Toutes les armes en dehors du contrôle de l’Armée libanaise et de la Résistance au Liban-Sud» sont refusées. «Nos armes sont-elles refusées car nous sommes capables de dissuader l’ennemi? Nous protégeons la souveraineté du Liban et non une communauté. Les frontières au Liban-Sud ne sont pas des frontières chiites, les frontières au Liban-Nord ne sont pas un nid pour les takfiristes et Beyrouth n’est pas pour les seuls sunnites». Derrière cette ode à la coexistence, le positionnement politique est clair: personne ne peut toucher à la Résistance. Une façon de phagocyter ce débat, pourtant légitimé par l’engagement du Hezbollah à Qoussair et les déclarations du président de la République sur le sujet.
Rassurer l’opinion publique
«Nous appelons toutes les parties à gagner du temps et à entamer un dialogue ouvert au lieu d’attendre un changement régional, car le Liban n’est plus la priorité pour les pays décideurs». Un discours qui parle à la population, fondamentalement révoltée par le fait que le destin de leur pays se décide ailleurs et qu’elle paie les pots cassés. Cet appel a été chaudement salué par le leader du PSP, Walid Joumblatt. «Avec la poursuite des divisions verticales entre les Libanais au sujet de questions fondamentales et centrales, l’exacerbation de la crise syrienne dont les étincelles sont parvenues au Liban, l’aggravation de la crise socioéconomique qui s’associe à une régression sans précédent de tous les secteurs de la production, la croissance de la dette publique et du déficit budgétaire et la détérioration de l’administration, le Parti socialiste progressiste ne peut qu’approuver tout appel au dialogue entre les Libanais». Des déclarations qui parlent à l’opinion publique.
Saluant l’attachement permanent de Berry «au dialogue et à la communication entre les Libanais», Walid Joumblatt prend le contrepied du président du Parlement sur le dossier de la stratégie de défense. Selon le leader druze, cet appel constitue «une occasion nouvelle de tenter de réhabiliter la politique de distanciation et de renouveler l’appel à toutes les parties à se retirer des marécages syriens, notamment la Résistance dont les armes ne sont plus dirigées contre Israël, alors même que leur fonction essentielle se limite à la frontière et non pas à la scène intérieure ou à tout autre objectif». La balle est désormais dans le camp du président Sleiman, qui est appelé à traduire dans les faits toutes ces belles déclarations.
Des sources proches de Baabda expliquent que le chef de l’Etat est déterminé à trancher les litiges qui suspendent jusqu’à présent la formation du gouvernement de Tammam Salam. Ces sources précisent que le locataire de Baabda a fini par approuver les modalités fixées par Salam: 24 ministres sur la base dite des «3×8» pour constituer un cabinet non provocateur, adoptant le principe de la rotation des portefeuilles. Le tout serait de savoir désormais si le Hezbollah acceptera de renoncer au tiers de blocage et le Futur à sa condition relative à un retrait du Hezbollah de Syrie.
Du côté du 14 mars, on doute fortement des intentions du parti chiite. «Il est impossible pour le moment de former un gouvernement d’union nationale vu que le Hezbollah prend des décisions stratégiques sans revenir à l’Etat. Nous souhaitons la formation d’un gouvernement neutre qui gère les affaires des citoyens. Nous voulons un gouvernement libanais et, par conséquent, ce gouvernement ne peut pas englober le Hezbollah qui a des engagements étrangers. Le Hezbollah a déjà pris sa décision en ce qui concerne le dialogue national à travers le discours du député Mohammad Raad, qui a souligné que la déclaration de Baabda était née morte», a déclaré le week-end dernier Samir Geagea (voir encadré). Par la voix de plusieurs de ses cadres, le Courant du futur a exprimé sa méfiance vis-à-vis de l’initiative Berry, douchant provisoirement les espoirs d’une réactivation des institutions.
Un semblant de mobilisation paraît se dessiner sur des bases éculées. Joumblatt a dépêché Waël Abou Faour à Riyad et une rencontre entre Sleiman et Salam est en préparation. Jusqu’à présent, tous ces contacts n’ont encore rien donné sur un plan concret. Samedi, Nabih Berry a posé la bonne question: «Y a-t-il des parties qui seraient prêtes à faire des concessions pour renforcer l’Etat libanais?».

Julien Abi Ramia

Geagea charge le Hezbollah

A l’occasion d’une messe célébrée à Meerab à la mémoire des martyrs de son parti, le leader des Forces libanaises s’en est
violemment pris au Parti de Dieu, qu’il rend responsable de la situation actuelle du pays. «C’est parce qu’un parti armé a décidé au nom de tous les Libanais et, contrairement à leur volonté, d’hypothéquer la décision nationale au gré de ses caprices internes et externes, et a considéré que la route de la Palestine ne passe pas par les institutions constitutionnelles, la déclaration de Baabda ou la résolution 1701 du Conseil de sécurité, mais au-dessus des corps des habitants de Qoussair, d’Alep, de Homs et de Ghouta» que le Liban est en crise, explique-t-il, accusant le Hezbollah de «vouloir changer le visage du Liban en calquant le modèle iranien».

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